Superstition et magie noire, pratiques ancestrales dans le football africain

Published on: 27 February 2017

L'entraîneur du Ghana, Goran Stevanovic, a indiqué dans un rapport rendu public le 24 février que certains de ses joueurs auraient eu recours à de la sorcellerie. Des pratiques loin d’être nouvelles dans l’univers du football africain...

Pendant des années et encore aujourd’hui, selon l’entraîneur du Ghana, Goran Stevanovic, les équipes africaines de football font appel à la magie, aux sorciers, aux marabouts pour obtenir de l'aide ou pour déstabiliser l'adversaire.

Dans un rapport rendu public le 24 février par la BBC, le technicien serbe a accusé certains de ses joueurs d'avoir eu recours à de telles pratiques, appelées également "Juju", lors de la dernière Coupe d'Afrique des nations (CAN).

En soi, l’emploi de la magie noire en football n’a rien de nouveau. C’est son usage entre coéquipiers et non à destination des adversaires, qui a interpellé Stevanovic, sur la sellette après l’élimination du Ghana en demi-finale de la CAN par la Zambie, la sélection championne d’Afrique.

Selon le Serbe, qui a souligné dans son rapport les profondes divisions qui régneraient au sein des Black Stars : "Nous devons tous aider à changer la mentalité de certains joueurs qui ont usé de 'magie noire' pour se détruire mutuellement".

"Cela a toujours existé"

Ces révélations n'ont guère surpris l'ex-international ghanéen Sarfo Gyami, finaliste de la CAN en 1992. "Cela a toujours existé mais les joueurs l'utilisaient [la magie noire, ndlr] pour se protéger et généralement pour attirer la chance. Je n'ai jamais entendu parler d'une situation où les joueurs en usaient contre leurs coéquipiers. C'est une très mauvaise situation", a-t-il déclaré à l’AFP.

La magie est très présente dans le football africain. Ainsi pour les compétitions importantes organisées sur le continent, les sélections africaines font souvent appel aux services d’un sorcier ou d’un conseiller spirituel qui utilise magie noire et invoque des Dieux pour perturber l’adversaire.

À ce titre, des objets sont souvent enterrés sous la pelouse du stade où le match va se jouer. Si un adversaire passe sur l’objet magique, il serait déstabilisé ! Certains marabouts utilisent également lors des matchs, des jus, des feuilles, scandent des phrases magiques.

Par exemple, au cours de la CAN-2002, organisée au Mali, quelques heures avant la demi-finale entre le pays hôte et le Cameroun, l'entraîneur des Lions indomptables Winfried Schafer et son assistant Thomas Nkono ont été arrêtés par la police alors qu’ils installaient une amulette magique sur la pelouse du stade du 26-Mars. Deux ans auparavant, des agissements similaires avaient été signalés lors du quart de finale de la CAN entre le Sénégal et le Nigeria. Des faits loin d’êtres isolés…

La magie noire, une mauvaise image pour le football africain

L’anthropologue Arnold Pannenborg a enquêté en 2008 sur le football africain et la superstition. Il a noté que la forme la plus forte de magie dans le football consiste à faire appel à Mami Wata, une divinité aquatique qui protège le gardien de but et empêche les ballons d’y pénétrer. "Pour lutter contre cela, vous devez jeter une noix de coco sur le terrain", explique Pannenborg, "parce que c'est l'aliment préféré de Mami Wata".

De son côté, la Confédération africaine de football (CAF) estime que l’usage de la magie noire donne une mauvaise image du football africain et tente donc de contrer cette pratique. Ainsi, plusieurs Fédérations africaines, comme celle du Sénégal, interdisent les pratiques mystiques, appelées aussi maraboutage aux abords des terrains de foot.

Le problème, c’est qu’il est impossible pour les instances du football d’interdire ces pratiques lors des préparations d’avant-match. Ainsi, selon Khaly Sambe, enseignant à l'Institut national supérieur de l'éducation populaire et du sport (Inseps), et spécialiste du maraboutage dans le football : ”Même si un joueur ne croit pas en son efficacité, il en a besoin pour se rassurer. Cela fonctionne comme un placebo “, indique-t-il au site Rue 89. Par exemple, pour qu’ils se comportent de la meilleure des façons sur le terrain, les joueurs vont notamment prendre de nombreux bains mystiques à base d'herbes et de racines.

Superstition aussi dans le football européen

Mais il n’y a pas que les équipes africaines qui utilisent de telles pratiques. Des joueurs européens usent également depuis longtemps des rituels et des superstitions pour augmenter leur chance lors d'un match.

Dans le livre "The Soccer Tribe" publié en 1981 par le zoologiste Desmond Morris, il était déjà question de la superstition dans le football européen. Morris y définissait divers rituels comme les baisers sur les poteaux de but, la pointe des chaussures frottée avec du whisky ou le fait ne pas sortir en dernier sur le terrain. Certains rites peuvent paraître bizarres mais ils renforcent la confiance du joueur et donc sa motivation, estime Morris.

Ainsi l’entraîneur italien Giovanni Trapattoni a été photographié en train de verser discrètement de l’eau bénite sur la pelouse avant une rencontre de la Squadra Azzura à la Coupe du monde 2002. Une image qui a provoqué un mini-scandale à l’époque. Toujours chez les entraîneurs, le Français Luis Fernandez lançait des pincées de sel dans les buts avant le coup d’envoi.

Côté joueur, on n’est pas en reste ! Le défenseur anglais John Terry a reconnu en 2005 au moins cinquante superstitions. L'ancien capitaine de Chelsea s'assoit ainsi toujours à la même place dans le bus, gare sa voiture toujours à la même place sur le parking de Stamford Bridge et utilise toujours le même urinoir avant les rencontres du club londonien !

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